Imprimer cette page

Le grand chambardement des impôts locaux. Qui est perdant au final ?

Écrit par Contribuables Associés
impôts-locaux-taxe d'habitation © ballball14 - Fotolia

La taxe d’habitation sur les résidences principales disparaît complètement cette année pour 80 % de la population et s’estompera progressivement sur trois ans pour les foyers plus aisés (exonération de 30 % en 2021, 65 % en 2022 et totale en 2023). Nous ne pouvons que nous en réjouir pour notre porte-monnaie. Sauf si la bonne nouvelle n’est que l’amorce d’un bouleversement tel de la fiscalité locale que le contribuable ne sera plus en mesure de voir s’il y gagne ou non.

 
Ainsi, il est prévu de compenser dès 2021 le manque à gagner par un transfert vers les communes de la part départementale de la taxe foncière. Et si cela ne suffit pas, l’Etat prévoit d’abonder les recettes de la commune à l’aide des frais de gestion qu’il perçoit au titre des taxes foncières.

Le dispositif sera forcément complexe car il faudra échanger un taux unique départemental contre une multitude de taux communaux et le recours à un « mécanisme correcteur » visant à éviter qu’il n’y ait des gagnants et des perdants laisse un peu perplexe.

En effet, le dispositif prévoit que les communes gagnantes subiront une retenue sur les sommes qui leur sont normalement dues, tandis que les communes perdantes bénéficieront d’un versement complémentaire. Autrement dit,

 Les communes perdront encore un peu plus leur autonomie fiscale vis-à-vis de l’Etat.


Pour les départements, il en va de même puisque la recette perdue en taxe foncière sera remplacée par la fraction d’un impôt national, à savoir la TVA. Ainsi, non seulement la dépendance des départements à l’égard de l’Etat est renforcée mais comme en plus il n’y a pas d’impôt plus indolore et plus complexe que la TVA, tout sera prêt pour une majoration en douceur de la fiscalité locale.

Quant aux régions, on a oublié qu’elles vivaient en partie sur une rétrocession des frais de gestion de la taxe d’habitation par l’Etat à leur profit. Ce qui était en soi paradoxal puisque ces frais de gestion étant proportionnels aux impôts recouvrés, les régions dépendaient ainsi à la fois des communes qui fixaient leur taux de taxe d’habitation et de l’Etat en charge du recouvrement.

La suppression de la taxe d’habitation fait donc disparaître une recette pour les régions, remplacée dans la loi de finances par une dotation pure et simple de l’Etat.

Ce qui clarifie bien entendu la situation mais renforce encore une fois la dépendance des régions à l’égard de l’Etat.

La suppression de la taxe d’habitation crée donc une réaction en chaîne : les communes prennent sur les départements, qui prennent sur l’Etat… qui prendra sur qui ?

Cela n’est pas annoncé mais il est clair qu’il faudra bien que l’Etat finance les impôts qu’il rétrocède aux collectivités locales. Pourquoi pas en augmentant ces mêmes impôts ?

D’autant que ceux servant à financer les collectivités locales sont souvent opaques, qu’il s’agisse aujourd’hui des taxes d’assurance ou sur l’énergie, demain de la TVA et, qui sait, après-demain de la CSG ?

La révision des évaluations foncières des habitations.

En outre, la disparition médiatisée de la taxe d’habitation sur la résidence principale occulte une autre mesure qui ne sera pas non plus sans impact pour les foyers : la révision des évaluations foncières des habitations.

Tout le monde sait qu’à défaut de réévaluation sérieuse de la valeur cadastrale des immeubles depuis un demi-siècle, les assiettes servant à calculer les impôts locaux sont aujourd’hui totalement fantaisistes. La remise à plat de ces valeurs constituait donc un serpent de mer qui revenait régulièrement sur le devant de la scène. Or,

La disparition de la taxe d’habitation semble finalement devenir le point de déclenchement de la réforme tant attendue.

En effet, en même temps qu’elle acte la disparition programmée de la taxe d’habitation, la loi de finances annonce le début des travaux visant à redéfinir l’évaluation cadastrale des immeubles d’habitation en vue d’établir les impôts locaux, et notamment la taxe foncière. Les études sont prévues pour commencer en 2023 avant une entrée en vigueur en 2026.

La méthode actuelle de calcul basée sur la notion de local de référence serait abandonnée au profit d’une méthode tarifaire basée sur le marché locatif réel. La nouvelle solution serait donc plus concrète mais tout laisse à penser qu’elle sera aussi complexe que l’ancienne et réservera bien des surprises, en bien ou en mal, aux foyers propriétaires.

Il est certes prévu des coefficients de neutralisation ou des mécanismes de lissage pour atténuer le choc fiscal à venir, mais il faudra surtout surveiller que les nouvelles bases de taxe foncière ne soient pas là non plus une manière déguisée de remplacer feue la taxe d’habitation.

Olivier Bertaux, expert fiscal olivier bertaux contribuables associes

Publié le lundi, 20 janvier 2020