Taxe sur les salaires : absurde et contre-productif

Écrit par Contribuables Associés
Taxe sur les salaires © Fotolia

Instituée en 1948 de manière temporaire, la taxe sur les salaires fait partie de ces impôts temporaires devenus définitifs avec le temps et absurdes avec la perte de leur raison d’être.

 

En effet, il s’agissait à l’époque de remplacer une taxe proportionnelle normalement due par les salariés en la mettant à la charge des employeurs. olivier bertaux contribuables associes

Jusqu’en 1968, la taxe était destinée à 85 % aux collectivités locales et finançait les prestations sociales agricoles à hauteur de 15 %. En 1968, la TVA fut généralisée.

En contrepartie, la part locale de la taxe sur les salaires fut supprimée, d’où le lien que nous verrons plus tard entre TVA et taxes sur les salaires.

Le gouvernement s’aperçut ensuite rapidement que la taxe sur les salaires qui restait était un frein à l’exportation.

En effet, alors que les entreprises exportatrices obtenaient et obtiennent toujours le remboursement de la TVA, il n’en allait pas de même de la taxe sur les salaires.

Or, cette taxe étant une spécificité française (une de plus), elle était un handicap à l’exportation pour les entreprises françaises.

Il fut donc rapidement décidé d’en exonérer les entreprises soumises à TVA (avec plus précisément une exonération totale pour les entreprises dont la part de chiffre d’affaires soumise à TVA atteint 90 %).

Les pouvoirs publics ont donc su reconnaître à l’époque les méfaits de cette taxe assise sur les salaires et qui pénalise les employeurs mais se sont curieusement arrêtés en chemin depuis 50 ans, en maintenant cette taxe pour les employeurs non soumis à TVA.

Cela concerne notamment les secteurs d’activité non commerciaux, mais pas seulement puisque les banques et les assureurs y sont soumis du fait d’une activité exonérée de TVA.

Aujourd’hui, subsiste donc une taxe sur les salaires qui constitue indubitablement un frein à l’emploi et frappe des employeurs qui ne sont pas toujours aussi riches que l’on croit.

Certes, la taxe rapporte aujourd’hui près de 15 milliards d'euros au budget de l’Etat, mais cela signifie aussi un coût salarial supplémentaire de 15 milliards d'euros pour les employeurs.

En substance, la taxe frappe encore les employeurs suivants :

- Les compagnies d’assurance et organismes de retraite,

- Les banques,

- Les associations, mutuelles et autres organismes à but non lucratif

- Les particuliers employeurs,

- Les syndicats de copropriété,

- Le secteur de la santé (médecins, centres de soins, cliniques etc.),

- Les sociétés exerçant une activité civile,

- L’enseignement privé (à l’exception de l’enseignement supérieur).

- Le rendement de la taxe sur les salaires s’explique par des taux particulièrement élevés applicables à des assiettes très larges. Ainsi, le taux de la taxe, assise sur la rémunération annuelle brute, est de :

4,25 % jusqu’à 8 132 €,

8,50 % entre 8 132 et 16 237 €,

13,60 % au-delà.

Ainsi, un salarié dont le salaire brut est de 50 000 € coûte à son employeur, s’il est soumis à la taxe sur les salaires : (8 132 x 4,25 %) + (8 105 x 4,25 %) + (33 763 x 13,60 %) = 5 282 €, soit plus de 10 % du salaire brut.

La taxe sur les salaires constitue donc pour les employeurs concernés une charge qui, en définitive peut les conduire à diminuer de plus de 10 % le salaire qu’ils sont prêts à offrir à leurs collaborateurs.

Mais l’injustice suprême résulte du fait que, ainsi qu’il a été dit, la taxe sur les salaires ne frappe que les entreprises qui ne sont pas soumises à la TVA.

Or, le principe de la TVA est d’être récupérable, à la différence de la taxe sur les salaires. En effet, une entreprise soumise à la TVA déduit la TVA qu’elle a payée en amont et facture à son clientcelle grevant ses produits, de telle sorte que la TVA est en définitive neutre pour l’entreprise et payée par le consommateur final.

En revanche, la taxe sur les salaires est certes déductible du résultat mais constitue bien une charge de production pour l’entreprise.

Autrement dit, l’entreprise soumise à la taxe sur les salaires subit une vraie charge pour remplacer dans les faits une TVA qui, elle, n’est pas à la charge de l’entreprise !

Il existe donc une véritable injustice selon que vous êtes soumis à la TVA ou à la taxe sur les salaires et une totale incohérence à mettre en alternative deux taxes au mécanisme, à l’assiette et d’une nature intrinsèquement différents.

Cela dit, le coût de la taxe n’est pas le même dans tous les secteurs. Voyons plusieurs exemples.

Les assureurs :

L’activité d’assurance connaît cette particularité d’être exonérée de TVA au motif que l’indemnisation remplace une perte et ne constitue donc pas une valeur ajoutée mais de subir aussi un droit d’enregistrement appelé taxe sur les conventions d’assurances qui majore les primes d’assurances de 7 à 30 %.

C’est donc la triple peine pour les assureurs qui ne peuvent pas récupérer la TVA qu’ils acquittent et doivent payer la taxe sur les salaires et la taxe sur les conventions d’assurances, la première au préjudice des salariés et la seconde au préjudice des assurés.

Les associations et organismes à but non lucratif :

Les associations et assimilés bénéficient sur le montant de la taxe d’un abattement de 21 381 €. Les organismes employant peu de salariés restent donc exonérés de la taxe.

Les employeurs de salariés à domicile :

Les particuliers sont exonérés à hauteur d’un salarié à temps plein occupant les fonctions d’employé de maison ou d’assistant maternel.

Les très petites entreprises :

Les entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas les limites de la franchise en base de TVA sont exemptées de la taxe sur les salaires.

De même, la taxe sur les salaires n’est pas due lorsque son montant annuel n’excède pas 1 200 € et bénéficie d’une décote jusqu’à 2 040 €.

Les syndicats de copropriétaires :

Dès que la propriété d’un immeuble est répartie entre au moins deux personnes par lots, les copropriétaires forment automatiquement un syndicat de copropriétaires, sans aucune formalité particulière.

Ce syndicat est par principe doté de la personne morale avec donc, le cas échéant, le statut d’employeur si les copropriétaires ont recours à un gardien, jardinier ou autre.

Le syndicat de copropriétaires étant par hypothèse, sauf prestations particulières, non soumis à TVA, il peut être vite conduit à payer des montants élevés de taxe sur les salaires selon la taille de la copropriété.

Il n’est pas rare qu’un syndicat regroupant un nombre important de copropriétaires employant plusieurs personnes se retrouve ainsi avec plusieurs dizaines de milliers d’euros de taxe sur les salaires.

Or, les copropriétaires ne sont le plus souvent que des particuliers. Dès lors, on peut se demander pourquoi l’exonération d’un employé par particulier employeur ne s’applique pas dans les mêmes proportions aux syndicats employeurs.

 La taxe sur les salaires pèse sur l’emploi dans des secteurs qui, soit sont de gros recruteurs institutionnels (banque et assurance), soit recouvrent des services par principe à la recherche de main d’œuvre (associations, particuliers, immobilier etc.).

Elle frappe aussi le secteur de la santé, que ce soit le médecin, l’hôpital ou le laboratoire, à l’heure où tout le monde reconnaît que l’accès aux soins devient difficile.

Cette taxe constitue donc en réalité un de ces impôts de production que tous les candidats (ou presque) à l’élection présidentielle étaient disposés à combattre. Taxe sévissant, qui plus est, dans des secteurs ne demandant qu’à avoir recours à de la main d’œuvre.

Dès lors, pourquoi ne pas la supprimer ?

Parions que les 15 milliards d'euros en moins pour l’Etat (ou plutôt 10 milliards d'euros puisque la taxe est déductible) seront vite compensés par de nouvelles recettes consécutives à la création d’emploi et au regain de pouvoir d’achat pour les salariés des secteurs concernés.

 

Publié le jeudi, 29 septembre 2022

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