Le fisc, juge de l’intérêt général ?

Écrit par Contribuables Associés

Est-il normal qu’il revienne au fisc de décider qui est d’intérêt général pour la réduction d’impôt liée aux dons ?

 

L’Institut Civitas vient de se voir interdire par l’administration fiscale le droit d’émettre des certificats de réduction d’impôt au titre des dons qu’il reçoit.

Pire, comme la décision du fisc a été prise à l’occasion d’un contrôle fiscal subi par l’association, cette dernière s’est vue infliger une amende de 55 000 € correspondant à 25 % des dons reçus.

Sans vouloir évoquer ici l’éligibilité ou non de Civitas à recevoir des dons ouvrant droit à réduction d’impôt, interrogeons-nous juste sur les pouvoirs dévolus à l’administration fiscale en la matière.

En effet, la réduction d’impôt est accordée aux dons effectués au profit d’œuvres « d’intérêt général » exerçant dans un certain nombre de domaines nommément listés par la loi. Le problème est que la notion d’«intérêt général » revêt un côté avant tout subjectif. En outre, les domaines d’intervention sont eux-mêmes parfois difficile à cerner, notamment leur caractère « social », « familial » ou « culturel »…

Or, lorsque l’administration fiscale considère de son propre chef qu’une œuvre n’est pas d’intérêt général ou rejette le caractère « social » avancé par celle-ci, elle va commencer par lui signifier qu’elle ne lui reconnaît pas le droit de délivrer des certificats de réduction d’impôt et infligera une pénalité de 25 % de la valeur du don pour tout certificat émis.

Bien évidemment, la décision des services fiscaux peut être contestée devant le juge administratif.

C’est donc au juge de l’impôt que revient le dernier mot et non à l’administration. Toutefois, le recours devant les tribunaux administratifs est long et s’il faut aller jusqu’au Conseil d’Etat, cela peut prendre 10 ans.

Entre temps, l’association aura eu le temps de mettre la clé sous la porte et sa victoire, si elle est avérée, s’inscrira dans un champ de ruines. Dès lors, force est de constater que lorsque l’administration veut véritablement s’opposer à une œuvre qu’elle estime, parfois en toute bonne foi, indigne de la réduction d’impôt, ou estimée indigne par sa hiérarchie, l’œuvre attaquée ne bénéficie pas de l’égalité des armes pour s’y opposer.

Cela rend le pouvoir administratif (ou politique) arbitre de l’intérêt général, donc arbitraire et ainsi non conforme au plein exercice des libertés publiques.

Peut-être serait-il temps de réfléchir à une réforme de la procédure d’agrément des œuvres éligibles à la réduction d’impôt, afin que la décision ne relève plus dans les faits des services fiscaux ou du pouvoir politique mais d’une autorité réellement indépendante dont l’intervention aura lieu le plus en amont possible.

Publié le jeudi, 11 février 2016

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