Imprimer cette page

Programme fiscal de Marine Le Pen : Une promesse de baisse des impôts mais pour quelle baisse des dépenses?

Écrit par Contribuables Associés
marine-le-pen-programme-fiscal ©-shutterstock

Le programme fiscal de Marine Le Pen se caractérise par un saupoudrage de bonnes mesures gâchées par d’autres plus douteuses, dans le but avoué d’accrocher l’électorat populaire.

 

Marine Le Pen propose ni plus ni moins que d’effacer toutes les initiatives malheureuses initiées contre la famille par les précédents gouvernements, en rehaussant le plafond du quotient familial (dans quelles limites ?) et en rétablissant à la fois la demi-part pour les veufs et veuves (supprimée par Fillon…) et la défiscalisation de la majoration des pensions de retraite pour les parents de famille nombreuse.

De même, le retour programmé à la défiscalisation des heures supplémentaires ne pourra que réjouir les salariés qui en profitaient jadis. Le programme énonce aussi clairement la suppression du prélèvement à la source pour préserver la vie privée des Français et ne pas ajouter une couche de complication à la complexité existante.

Une volonté de bien faire est donc perceptible mais la suite laisse quelque peu perplexe.

Impôt sur le revenu, impôt de classe

En effet, l’avis est ensuite plus mitigé en ce qui concerne le barème de l’impôt sur le revenu lui-même car en proposant de baisser de 10 % les trois premières tranches, Marine Le Pen accroît la progressivité néfaste de cet impôt et créé de nouveaux « non imposables ». Or, l’impôt sur le revenu est censé renforcer le lien entre les citoyens et la nation.

En éloignant toujours plus de Français de cet impôt symbolique, on finit par distendre ce lien. Soit on le supprime donc pour tous comme le proposait auparavant le Front National, soit on l’applique à tous, mais il est en tous cas néfaste d’en faire un impôt de classe.

ISF malheureusement maintenu

Dans la même veine électoraliste, Marine Le Pen veut maintenir l’ISF au nom d’une « juste contribution fiscale » (qui sert aussi d’argument pour ne pas augmenter la TVA et la CSG). On ne peut que déplorer, de la part d’une candidate anti-système, une mesure à courte vue dans l’intention de plaire à Billancourt.

Au nom de la nation, Marine Le Pen aurait pu arguer de la nécessité de supprimer cet impôt pour retenir en France les Français et leur  patrimoine…

Des bonnes mesures pour les impôts moins médiatiques

Lorsque les mesures fiscales ne risquent pas de rencontrer les feux de la rampe, Marine Le Pen se lâche un peu et propose certaines idées qui, sans être révolutionnaires, revêtent une certaine pertinence.

Il en est ainsi de la proposition de ramener de 15 à 5 ans le délai pour donner en franchise fiscale ou de l’augmentation à 50 000 euros du plafond des donations sans taxation aux petits-enfants. C’est loin d’être suffisant au regard du matraquage fiscal que subissent les transmissions en ligne directe mais c’est déjà un bon signe…

Pour les entreprises, Marine Le Pen promet un taux intermédiaire d’impôt sur les sociétés de 24 % au lieu de 33 % (semblant avoir oublié que la dernière loi de finances l’a déjà ramené à 28 %) avec une exonération des plus-values de cession d’entreprise dès 7 ans.

Le projet, on le voit, est louable mais imprécis et purement tourné vers les PME, alors que ce sont aussi les grosses entreprises, qu’on le veuille ou non, qui font tourner le pays et ont besoin d’une fiscalité plus douce pour rester chez nous.

Le principe posé est donc bon mais il ne faut pas oublier que si les dirigeants et actionnaires des grandes entreprises sont électoralement moins nombreux, ils restent économiquement très influents.

Enfin, on peut noter dans le reste du dispositif certaines idées de bon aloi comme la suppression des impôts à très faible rendement dans un but de « simplification fiscale ».

Reste à savoir ce que cela recouvre car les impôts à faible rendement se comptent par dizaines avec un rendement individuel faible mais un gain final pour le Trésor qui se chiffre en milliards d’euros… Augurons donc d’une bonne intention, dans l’attente du financement de la mesure.

Prime de pouvoir d’achat

Car la faiblesse du programme est un peu là. On baisse les impôts qui font mal aux classes populaires et aux patrons de PME mais on ne sait pas trop comme cela se finance.

Certes, pour faire plaisir à l’électorat, ce qui est tout à fait compréhensible, on explique que l’on crée une prime de pouvoir d’achat (PPA) financée par une contribution sociale sur les importations, on lutte contre les multinationales qui pratiquent l’« évitement fiscal » et on dénonce les conventions fiscales avec les pays arabes qui favorisent leurs investissements en France.

Mais on ne détaille pas les économies nécessaires. Or, avant d’accorder une baisse d’impôt à son électorat, il faudra bien passer par une baisse des dépenses.

Reste à savoir par quoi Marine Le Pen compte commencer si elle tient en même temps à restaurer les pouvoirs de l’État.

olivier_bertaux_expert_fiscalisteOlivier Bertaux, expert fiscaliste de Contribuables Associés

Publié le vendredi, 04 avril 2014