Fiscalité des meublés : le gouvernement passe du ridicule au scandale

Écrit par Olivier Bertaux
La taxe Airbnb la nouvelle erreur du gouvernement.... au détriment du contribuable @Pixavril/shutterstock

La fiscalité des meublés de tourisme stylolivier-bertaux-contribuables-associes.jpge Airbnb n’en finit pas de créer des remous. Plus favorable que celle des locations d’immeubles nus, le gouvernement a voulu remédier à cette injustice lors des débats de la dernière loi de finances. Mal lui en a pris, passant du ridicule au scandale.

Rappelons les termes du débat. Alors que le micro-foncier réservé à la location nue est limitée à un seuil de 15 000 euros de loyers bruts avec 30 % d’abattement forfaitaire, la location meublée permet des seuils et des abattements beaucoup plus élevés, bien qu’il ne s’agisse le plus souvent que de location temporaire avec beaucoup moins de protection pour le locataire.

En ce qui concerne les meublés de tourisme auxquels se rattachent les locations Airbnb, la législation offre un abattement de 71 % jusqu’à 188 700 euros pour les meublés de tourisme classés et un abattement de 50 % jusqu’à 77 700 euros pour les meublés non classés. Au-delà des seuils indiqués, le loueur ne peut déduire que les charges réellement exposées.

Evidemment, un tel décalage dans le régime fiscal incite nombre de propriétaires à quitter la location nue à titre de résidence principale pour se tourner vers la location meublée touristique, d’autant que le classement en question est très facile à obtenir et que l’avantage fiscal supplémentaire octroyé en cas de classement ne résulte pas de la qualité du classement mais seulement du fait d’être classé.

De plus, la location meublée est également beaucoup moins contraignante en termes de réglementation et évite l’écueil du locataire à demeure insolvable. D’où l’ire de certains.

Le gouvernement a donc tenté de profiter de la loi de finances pour 2024 pour réduire ces avantages et entamer l’harmonisation fiscale entre location nue et meublée. Voyant la difficulté de la tâche, il fut finalement décidé de reporter la mesure à une loi ultérieure.

Malheureusement, à force d’inonder le législateur de 49.3 afin de faire voter l’impôt sans réel consentement du contribuable, le gouvernement finit par perdre lui-même ses repères.

Le résultat en fut que sans s’en rendre compte, les parlementaires votèrent tout de même un bout de la réforme consistant notamment à ramener le régime micro-BIC des meublés de tourisme non classés au seuil de 15 000 euros avec un taux d’abattement forfaitaire de 30 % dès les revenus 2023.

Constatant son impair après le vote de la loi, le gouvernement annonça qu’il ne fallait pas tenir compte du texte… maintenu par erreur selon lui.

Sur ordre, Bercy vient donc de publier une instruction indiquant aux loueurs de meublés de tourisme non classés que, malgré la loi, ils n’étaient pas obligés de suivre la nouvelle règle pour 2023, au motif que les propriétaires n’avaient pas eu le temps de s’y préparer, notamment en termes de comptabilité.

Plusieurs réactions s’imposent face à cette cacophonie fiscale

Tout d’abord, faut-il en déduire que le législateur ne sait plus ce qu’il vote ? Ensuite, qui vote la loi ? Le gouvernement ou le parlement ? Enfin, à quel titre l’administration s’arroge-t-elle le droit de ne pas appliquer la loi fiscale votée par les représentants du peuple ?

Certes, la décision de Bercy est favorable au contribuable mais cela revient tout de même à entériner le fait du prince en laissant l’administration passer par-dessus la loi. Si les parlementaires ont voté un texte par erreur, ce qui est déjà inquiétant, rien ne leur interdisait de se saisir du dossier pour réparer leur bévue avant la campagne de déclaration de revenus, au lieu de laisser Bercy décider à leur place.

Certains d’entre eux, outrés que Bercy se permette de fouler au pied leur pouvoir législatif, ont d’ailleurs déposé un recours pour excès de pouvoir contre l’instruction fiscale, au grand dam évidemment des contribuables qui auraient préféré une loi annulant la loi...

En d’autres termes, le gouvernement s’est montré incapable de gérer sa loi de finances, Bercy ignore la loi dans l’intérêt du contribuable et pour finir certains parlementaires veulent forcer Bercy à l’appliquer contre la volonté du gouvernement et d’autres parlementaires. A quelques semaines de remplir sa déclaration de revenus, voilà qui ne rassurera pas le contribuable resté sur le gué et qui risque de faire les frais de cet imbroglio.

Cela dit, toutes ces embrouilles ne proviennent-elles pas plutôt d’un mauvais réflexe du gouvernement, orientant ses choix vers le moins-disant au lieu de se tourner vers le mieux-disant.

S’il s’agissait de freiner la vague Airbnb pour inciter fiscalement les propriétaires à revenir vers la location nue de long terme et soutenir ainsi le marché du logement, il aurait été tout aussi pertinent d’aligner le régime fiscal de la location nue sur celui de la location meublée et non l’inverse.

Les revenus fonciers tirés de la location classique sont les plus touchés fiscalement, avec l’exclusion du PFU, des prélèvements sociaux prohibitifs et un régime micro misérable.

Il est clair que si les propriétaires se voyaient accorder le PFU sur leurs revenus fonciers ou un régime micro avec les mêmes abattements que ceux de la location meublée, beaucoup seraient enclins à revenir vers la location nue pour satisfaire les Français à la recherche d’une résidence principale à louer.

Malheureusement, c’est bien aujourd’hui une nouvelle proposition de loi qui arrive au Sénat après un vote à l’Assemblée nationale en vue de… rapprocher en zone tendue la fiscalité des locations meublées de celle de la location nue.

Autrement dit, aucune incitation à la location et juste une sanction du Airbnb.

 

Publié le jeudi, 21 mars 2024

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