Coût du crime : la grande inflation

Écrit par Fabrice Durtal
cout-crime-insecurité-argent-public © Blue Planet Studio / Shutterstock

Un chercheur fait l’état des lieux du coût de la criminalité en France. Les chiffres sont effarants.

 

C’est un sujet qui passe à la trappe. Pourtant, l’inflation du crime – tant par sa quantité que par le coût qu’elle engendre – est bien réelle. Un nouveau tabou français ?

Il a fallu attendre l’étude du chercheur Jérémie Vandenbunder (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, CESDIP) pour avoir accès à des données récentes.

Publié en octobre 2022, ce rapport met en avant les conséquences de la criminalité sur les dépenses de sécurité : 51 milliards d’euros en 2018 (dernières données disponibles). Entre 1996 et 2018, ces dépenses ont augmenté de 101,5% !

Jérémie Vandenbunder définit ainsi les dépenses de sécurité : « Toute dépense visant à diminuer la fréquence des infractions, pour celles qui n’ont pu être prévenues, en réduire la gravité, permettre l’indemnisation des dommages et préjudices subis par les victimes et enfin punir les auteurs ».

Ces dépenses proviennent tant du secteur public (57% des dépenses) que du secteur privé (43%), concernent aussi bien les violences physiques que les accidents de la route, les cambriolages ou les fraudes fiscales.

 

cout crime infographie

 

L’application de la loi : premier poste de dépense

 

Pour évaluer le coût du crime, il faut revenir sur le coût des « fonctions de l’application de la loi ». C’est-à-dire les dépenses de la Gendarmerie, de la Police et autres structures qui veillent à maintenir les Français en sécurité.

Le contrôle des infractions reste une mission quotidienne de la Gendarmerie et de la Police nationale. Le budget du programme n°152 de la Gendarmerie nationale a augmenté de 2010 à 2018 passant de 7,5 à 8,7 milliards d’euros.

Les budgets sont encore plus importants pour la Police nationale avec des dépenses de 10,6 milliards d’euros en 2018 contre 8,9 milliards d’euros en 2010. Les polices municipales en plein essor (24 000 personnels) ont dépensé, quant à elles, 315 millions en 2018.

La même année, le coût moyen budgétaire d’un fonctionnaire de police était de 71 805 euros contre 88 009 euros pour un gendarme. Notre pays compte 99 000 gendarmes pour 136 000 policiers.

Mais c’est surtout le terrorisme qui a remis une pièce dans la machine en augmentant les dépenses sécuritaires.

L’opération Sentinelle en est l’illustration parfaite. Son surcoût s’élevait à 176,1 millions d’euros en 2015 et 198 millions d’euros en 2017, soit une hausse de plus de 20 millions d’euros en deux ans.

La Cour des comptes n’a pas manqué de faire un rapport sur le sujet en septembre dernier, concluant que Sentinelle représentait un déploiement de trop pour l’armée.

Puis il y a le crime du quotidien : cela va du cambriolage au meurtre, en passant par l’agression physique.

Pour obtenir les chiffres des cambriolages et des tentatives d’effraction, il faut croiser les données de l’Insee et du CESDIP pour l’année 2017 qui a été la pire depuis 2010. Cette année-là, 311 000 cambriolages et 313 000 tentatives ont eu lieu.

Le coût des dégradations s’élève à 495 millions d’euros ; celui de la valeur des objets volés à 815 millions d’euros. Le coût total est gigantesque : 1,3 milliard d’euros.

Avec les meurtres et assassinats, le portefeuille explose : les 880 faits d’homicides en 2019 ont coûté 3 milliards, soit 3,4 millions d’euros par homicide.

Les politiques doivent également rester vigilants sur les dangers montants de la cybercriminalité qui, avec un coût de de 26,3 milliards d’euros en 2017, ne disparaîtra pas de sitôt.

Bien au-delà de la question sécuritaire, l'évasion fiscale et la fraude sociale représentent un manque à gagner conséquent pour l’État. La fraude aux prestations sociales constatées s’élève à 847 millions d’euros, selon Jérémie Vandenbunder.

Un chiffre sous-évalué, selon nous, par le chercheur. À titre de comparaison, le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt évaluait l’année dernière le montant des fraudes sociales détectées à 1,5 milliard d’euros en 2019. Le montant réel des fraudes sociales serait de 20 milliards, selon la Cour des comptes et de 52 milliards, pour Charles Prats, ancien magistrat de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude.

Pour les fraudes à la TVA, l’addition est de 13,9 milliards d’euros.

La surveillance des douanes a un coût qui s’envole avec une hausse de 100 millions d’euros entre 2010 et 2019, soit 529,6 millions d’euros.

 

Plus de crimes, plus de justice et plus d’argent

 

Entre 1996 et 2018, les secteurs de prévention contre le crime ont vu également leur coût augmenter. Les plus fortes augmentations concernent la Justice avec une hausse de 140% des coûts ; pour les moyens de protection, la hausse s’élève à 178,2%.

Toutefois, l’augmentation des coûts de la justice reste insignifiante par rapport à nos voisins européens. En effet, selon les travaux de la Commission européenne, « la justice en France reste sous-dotée par rapport à ses voisins européens ».

La part du pénal dans les dossiers jugés par la Cour de cassation est de 28% sur les dix dernières années. Le budget pour les dossiers pénaux est passé de 1,9 à 2,4 milliards d’euros entre 2010 et 2019.

Les autres organes de Justice, engendrent eux aussi des coûts significatifs, à l’instar de l’administration pénitentiaire ou encore de la Protection judiciaire de la jeunesse dont les dépenses consacrées aux mineurs délinquants sont de 592 millions d’euros en 2019.

 

Prévenir le crime

Prévenir pour éviter le crime. Les autorités publiques s’attellent à ce qu’elles appellent « la prévention sociale ». Il s’agit des différentes « mesures générales de politique sociale, en tant qu’elles ont pour objectif de prévenir la délinquance ».

La prévention sociale s’appuie sur le Comité interministériel pour la prévention de la délinquance qui, créé en 2006, se destine « à financer la réalisation d’actions dans le cadre des plans de prévention de la délinquance ».

L’augmentation des montants qui lui sont alloués est conséquente. En 2010, c’était un peu moins de 50 millions d’euros, en 2019, le cap des 67 millions est dépassé.

Quant aux dépenses nettes pour l’aide sociale à l’enfance, elles passent de 6,7 milliards en 2010 à 8,3 milliards d’euros, neuf ans plus tard. En faisant la moyenne des différents postes de dépenses de la prévention sociale, l’auteur conclut sur une « baisse de la part représentée par la prévention sociale dans ces dépenses de sécurité ».

Et les recettes ?
tableau depenses publiques crime

Il n’y a pas de mystère, dans la balance dépenses-recettes, c’est bien la dépense qui pèse le plus lourd.

L’argent que l’Etat perçoit grâce aux peines pécuniaires des crimes ne permet pas de rééquilibrer la balance. 

À titre indicatif, les amendes forfaitaires de la police de la circulation (2010-2019) atteignent 1,6 milliard d’euros en 2019.

Ces gains financiers sont infimes en comparaison des sommes déversées – à juste titre – pour protéger les citoyens.

Peu de recettes, beaucoup de dépenses…

L’augmentation des dépenses de sécurité, qui avoisine les 12% par an depuis 2010, doit pousser les politiques à ouvrir les yeux sur le coût colossal qu’engendrent l’insécurité et le crime pour les contribuables et les Français.

Le mystère du coût des blessés des forces de l’ordre

Contribuables Associés adresse chaque année des questions écrites aux 577 députés afin qu’ils puissent interpeller le gouvernement. En janvier 2021, l’association a envoyé une question écrite sur le coût pour les finances publiques des policiers et gendarmes blessés dans l’exercice de leur fonction. Stéphane Viry, député des Vosges, a déposé cette question écrite. Le ministère de l’Intérieur y a répondu de façon surprenante. En effet, Beauvau indique que « le coût que représentent les policiers blessés pour les finances publiques ne constitue pas une donnée chiffrée disponible ». Les seuls chiffres dévoilés dans la réponse du ministère sont ceux du nombre de blessés. En 2013, les gendarmes concernés étaient 6 606. 6 553 en 2020 après un pic à 8 230 en 2019. La police comptait 12 677 blessés dans ses rangs en 2013. Après une hausse allant jusqu’à 18 143 en 2019 (mouvement des Gilets jaunes), le chiffre baisse à 13 670 blessés en 2020. Beauvau ne livre pas le montant global des coûts ; ce qui est surprenant puisque le ministère a créé deux structures permettant l’accompagnement des forces de l’ordre blessées. Cet accompagnement engendre forcément des dépenses que le ministère peine visiblement à chiffrer… 

Publié le mercredi, 15 février 2023

1 Commentaire

  • Lien vers le commentaire VG75 samedi, 22 avril 2023 Posté par VG75

    très important et intéressant, bravo de donner de la visibilité à ce sujet.

    Et si on suit l'hypothèse souvent avancée ( voir des images de prison ou d'un tribunal ou d'un commissariat) qu'une grande partie de la délinquance est associé à l'immigration ( soit car commise par des immigrés , soit en "gestion" de l'immigration), on touche du doigt le cout du laxisme migratoire accumulé depuis 25 ou 30 ans.

    Rapporter

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