Le paradoxe budgétaire du 49.3

Écrit par Oliver Bertaux
49.3 @shutterstock @shutterstock/RVillalon

Depuis qu’il ne bénéficie plus d’une majorité à l’Assemblée nationale, le gouvernement a dégainé 20 fois l’article 49.3 de la Constitution.

Rappelons qu’il s’agit de faire adopter un projet de loi sans vote. Le seul recours des députés est alors de déposer une motion de censure qui, si elle est votée, oblige le gouvernement à démissionner. De plus, le dispositif peut être déclenché à chaque lecture successive d’un même projet devant les députés. olivier bertaux contribuables associes

Cela dit, l’adoption par l’article 49.3 ne peut être effectuée qu’une seule fois par session parlementaire, sauf pour les textes budgétaires où le recours au 49.3 est curieusement sans limite.

Ce qui explique que sur les 20 adoptions en force, 17 ont concerné les lois de finances, de financement de la sécurité sociale ou de programmation budgétaire, la dernière ayant eu lieu pour… la réforme des retraites.

Cette exception budgétaire ne peut manquer d’étonner. En effet, l’usage du 49.3 revient à interdire tout débat parlementaire et même à pratiquer le chantage : le député doit renverser le gouvernement pour empêcher le texte et prend ainsi le risque de se renverser lui-même puisque la sanction ultime sera ensuite la dissolution de l’Assemblée si le Président estime qu’aucun autre gouvernement ne pourra recevoir l’assentiment de la chambre.

D’où la réticence de certains députés à voter la motion de censure et donc la facilité avec laquelle le gouvernement vote des lois de finances sans majorité.

Or, de par la Constitution, le budget est l’apanage même des parlementaires. Notamment du fait de la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, intégrée dans le bloc de constitutionnalité, dont l’article 14 énonce que « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ».

Force est de constater qu’un recours à outrance à l’article 49.3 interdit finalement aux citoyens et à leurs représentants de consentir librement à la contribution publique.

Si ces derniers donnent l’impression de consentir en ne votant pas la motion de censure, il paraît juste de considérer qu’il s’agit là d’un consentement forcé et non libre, ce qui d’ailleurs est l’objectif de l’article 49.3.

Alors que tous les budgets des précédentes législatures ont pu être adoptés de manière libre par des majorités parlementaires établies, nous ne pouvons que déplorer l’adoption désormais sous la contrainte des budgets, faute de majorité parlementaire.

En pratique, cela revient à dire que c’est parce qu’il n’a pas de légitimité démocratique qu’un gouvernement est autorisé à se passer du consentement populaire pour décider des impôts et de la dépense publique.

Un usage abusif de la Constitution et notamment son article 49.3 revient donc à contredire les principes mêmes de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen sur lesquels la Constitution est censée pourtant reposer.

Cette dernière permet-elle réellement à un gouvernement de justifier l’absence de consentement libre à l’impôt par un défaut de légitimité démocratique ?

Peut-être serait-il judicieux de poser la question au Conseil constitutionnel lorsque la parodie de débat budgétaire aura pris fin.

Il est temps que le contribuable cesse d’être la victime d’une contradiction apparente entre la Constitution et la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Publié le vendredi, 01 décembre 2023

1 Commentaire

  • Lien vers le commentaire fabou vendredi, 08 décembre 2023 Posté par fabou

    Là il y a du lourd et TOUS les politiques sont coupables ! Pas seulement le gouvernement, les parlementaires et leurs partis sont autant fautifs que les premiers. Pourquoi aucune motion de censure ne passe ? Parce que la politique politicienne l'interdit ! Si la motion, même valable et sensés, vient de la nupes, le RN et LR refusent de la signer ! Si elle vient du RN, la nupes refise de la signer ! Ces refus ne viennent pas de la teneur du texte qui est le plus souvent très bien fait, mais juste d'une histoire de paroisse et de la haine des auns et des autres suivant leur parti politique. La nupes préfère un 49.3 qui pénalise le peuple plutôt que de signer une motion émanant du RN et vice et versa ! Le bien du peuple passe après le bien du parti ! tant que nous aurons des cons pour nous diriger, cela continuera. Des gens intelligents, même de partis totalement opposés, trouveraiant un consensus et signeraient une motion commune pour empêcher un gouvernement de se conduire en despote. Mais ils ne sont pas intelligents, ils font de la politiques un métiers et non un sacerdoce et préfère la guerre au consensus car il faut avant tout avoir des élus dans les partis pour toucher les subventions de l'état avec les impôts des baisés !

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