Tribune de Benoît Perrin dans Valeurs actuelles : "Sortir de l'ivresse de la dépense publique"

Écrit par Contribuables Associés

Tribune de Benoît Perrin, directeur général de Contribuables Associés, parue dans Valeurs actuelles, numéro du 16 février 2023. 

tribune va BP

"Sortir de l'ivresse de la dépense publique"

 « Il y a en France une ivresse de la dépense publique. Comme si la dépense publique réglait tout problème, enjolivait la réalité. Cette ivresse est une illusion. »

Par ces mots lucides, Bruno Le Maire présentait ses vœux aux acteurs économiques. Lucidité bienvenue certes, mais quelque peu tardive ! Car il semblerait que le ministre de l’Économie et des Finances soit lui-même en état d’ébriété financière. Depuis son arrivée à Bercy, la dette publique a augmenté de 700 milliards d’euros. Elle devrait dépasser les 3 000 milliards d’euros cette année.

Or, comme chacun sait, les lendemains d’ivresse ne sont pas toujours gais. Le jour même des vœux de M. Le Maire, la France empruntait 15 milliards d’euros à moyen long terme, au taux prohibitif de 3%. Il y a un an, notre pays empruntait à 0,3%.

Il se pourrait donc bien que les taux d’intérêt viennent révéler l’état d’ébriété de notre pays : la charge des intérêts de la dette devrait dépasser les 50 milliards d’euros, contre 41 milliards en 2021. Concrètement, on pourrait doubler le budget de la Justice avec cet argent englouti dans la spirale de la dette.

La disparition de l’« argent gratuit » pourrait donc bien sonner la fin de l’ivresse par une brutale douche froide, d’autant plus douloureuse que la conjoncture reste morose. Le scénario optimiste d’une reprise de la croissance s’éloigne, alors que l’on s’approche dangereusement d’une stagflation. Le gouvernement a longtemps surestimé la croissance et minimisé l’inflation réelle. Il est désormais au pied du mur.

« Cette ivresse est une illusion » nous dit M. Le Maire. Et si cette illusion était alimentée par un habile habillage comptable ? Depuis des décennies, la dette « hors bilan » de l’État ne cesse de progresser tout en passant sous les radars du législateur et du citoyen. Elle a atteint plus de 5 000 milliards d’euros en 2021, contre moins de 1 000 milliards en 2005. Ces engagements « hors bilan » ne satisfont pas aux critères comptables de l’État pour une raison subtile : leur montant ou leur temporalité ne peuvent pas être précisés.

Parmi ces engagements comptabilisés en hors bilan, on retrouve évidemment les engagements de retraites des fonctionnaires (qui atteignent la somme astronomique de 2770 milliards d’euros), ceux liés au secteur public de l’énergie (qui pourraient exploser avec la compensation que verse l’État aux opérateurs fournisseurs d’énergie) ou encore les dettes garanties par l’État (qui ont augmenté avec le recours massif aux prêts garantis par l’Etat).

Comptablement, ces charges ne sont pas considérées comme certaines. Financièrement, elles le sont bien, puisque l’État sera tenu de les honorer. Or, une remontée des taux d’intérêt va amener à une revalorisation significative de ce type d’engagement. De plus, les différents dispositifs liés à la crise représentent un risque financier significatif en cas de réalisation d’un scénario macroéconomique défavorable.

Dans ce contexte, il est essentiel que l’État joue la carte de la transparence, car ce sont les épargnants français qui se portent caution de l’ensemble de la dette implicite et explicite. La transparence et la sincérité affirmées dans la LOLF (loi organique relative aux lois de finances) ne sont pas respectées par les administrations. Il est impossible pour le Parlement de réaliser l’agrégation lui-même puisque ces secteurs ont des flux et engagements financiers croisés qui nécessitent un retraitement comptable. Un document unique devrait être annexé au budget de la France, qui n’est pas qu’une addition d’administrations.

Dès lors, on laissera chacun juge de la crédibilité de M. Le Maire, comme de celle de la plupart de ses prédécesseurs. Mais cette fin de l’ « illusion » de la dette ne s’opérera pas par magie. La dépense publique doit impérativement baisser, ce qui suppose de réduire le périmètre de l’État ou d’agir sur les paramètres essentiels, à commencer par une réelle maîtrise de nos dépenses sociales.

« Les créanciers, gens précieux, car ce nom veut dire qu'ils ont foi en nous », écrivait Balzac. Mais peut-on encore avoir foi en un État dont les engagements financiers réels sont de plus en plus lourds tout en échappant à la comptabilité publique ? Une fois les effets de l’ivresse dissipés, la gueule de bois risque d’être sévère. 

Benoît Perrin
Directeur général de Contribuables Associés

 

Publié le lundi, 20 février 2023

2 Commentaires

  • Lien vers le commentaire Oscar mardi, 28 février 2023 Posté par Oscar

    Bonjour Isabelle, lisant votre commentaire avec beaucoup d’intérêt, il me semble que vous minimisez l’endettement en considérant que la charge des retraites énoncée globalise entre autres celles des collectivités territoriales, et alors ?... Dans ses conclusions, l’auteur, entend la nécessité de réduire le périmètre de l’Etat ce qui emporte évidemment la globalité de tous les secteurs de dépenses publiques.

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  • Lien vers le commentaire Isabelle vendredi, 24 février 2023 Posté par Isabelle

    Il faudrait quand même quand on parle de la somme astronomique des retraites des fonctionnaires ajouter cela concerne les retraites des fonctionnaires de l’Etat. Les fonctionnaires territoriaux ont leur propre caisse de retraite. C’est trop facile de mettre tous les fonctionnaires dans le même « panier ». D’autre part, on sait très bien que Bruno Lemaire ment depuis le début et Emmanuel Macron aussi : la France est le pays européen qui s’en sort le mieux ! Bien sûr ! L’inflation à 6 % qui devait disparaître en 2023. On sait très bien qu’elle était plus élevée comme les prix ont augmenté de plus de 10 % en 2022 ! De nouveaux chiffres ont été publiés : taux de croissance en Europe pour 2023 : 0,8 ou 0,9 mais pour la France : 0,3 ! Nous sommes dans les derniers et pour l’inflation c’est la même chose. A part cela la France est le pays qui s’en sort le mieux ! La France est endettée plus, plus, plus. De très grosses dépenses mais aucune amélioration et résolution des problèmes. Santé, Éducation Nationale, Sécurité, Justice. Immigration : plus rien ne va et aucune solution proposée par le gouvernement. Que des annonces quand une catastrophe se présente comme la mort d’un professeur ( Samuel Paty) mais rien par rapport aux annonces la preuve. hier encore, une professeur d’anglais s’est fait poignardée par un élève. La France n’a plus les moyens de faire de bonnes réformes. Et la guerre en Ukraine nous coûte très chère et plus on attend plus les négociations seront difficiles. Vraiment dans quel état est notre pays.

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