La décentralisation : le choc de complexification !

Écrit par Contribuables Associés

Décentralisation Acte III. Scène I. Conseil des Ministres du 10 avril 2013. Ce devait être l’acte de la simplification : bien au contraire !

 

Au lieu d’une loi, le gouvernement en fait trois, dont les votes sont échelonnés sur plus d’une année. Et loin de rationaliser les structures, le gouvernement en crée de nouvelles pour mieux gérer, soi-disant, les anciennes. Le mille-feuille administratif de la France grossit. Les contribuables, eux, risquent de recevoir le choc de la facturation !

Oh là là, le beau mille-feuille que voilà ! Il en dégouline de crème pâtissière, à la première bouchée on va s’en mettre plein les doigts, ça va tomber partout. Il en est presque immangeable tellement il est gros. A peine regardé c’est l’indigestion assurée. Ce mille-feuille vous le trouverez chez « Pépère François », pâtissier parfois, bricoleur toujours.

Trêve de plaisanterie, mais il faut bien dédramatiser un peu et essayer d’en sourire. Ce mille-feuille indigeste existe : ce sont les trois lois de décentralisation présentée le 10 avril 2013 en Conseil des ministres. Au commencement il y avait un texte de loi de 124 articles. Trouvant que cela faisait une somme un peu trop conséquente le Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, a préféré le diviser en trois projets de loi de décentralisation. Le premier de 50 articles sur la création des métropoles, le deuxième de 35 articles sur les départements et les régions et le troisième de 39 articles qui est un fourre-tout car on y traite de ce qui n’a pas été abordé par les deux autres projets de lois. Si les trois projets sont présentés au conseil des ministres du 10 avril, seul celui des métropoles sera débattu en mai devant le Sénat, les deux autres attendant la fin de l’année ou 2014, inch' allah.

Ce mille-feuille indigeste existe : ce sont les trois lois de décentralisation présentée le 10 avril 2013 en Conseil des ministres.

Le dernier numéro des Dossiers du Contribuables qui est « un réquisitoire contre les dépenses inutiles des maires » abordant aussi les problèmes d’intercommunalités et de métropoles, tombe à pic.  Nous ne saurons trop en recommander la lecture aux contribuables qui veulent connaitre le contexte de ces lois et en savoir plus sur la gestion des collectivités. Car les millefeuilles administratifs dénoncés dans nos dossiers seront de plus en plus épais : c’est l’inévitable conséquence de ces lois de décentralisation. Abordons-les une à une pour se faire une idée.

La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles

« Le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles institue, au niveau de chaque région, une conférence territoriale de l’action publique présidée par le président du conseil régional. C’est au sein de cette nouvelle instance que les élus établiront le pacte de gouvernance territoriale, outil de la mise en cohérence des compétences au niveau local sous l’égide d’une collectivité chef de file », précise le Gouvernement à l’issue du conseil des ministres. Et d’expliquer : « ce premier volet de la réforme crée par ailleurs un nouveau statut de métropole afin de donner aux grandes agglomérations françaises les atouts dont elles ont besoin pour exercer pleinement leur rôle en matière de développement économique, d’innovation, de transition énergétique et de politique de la ville. »

Les 50 articles composant cette loi devraient passer devant les parlementaires d’ici un mois et demi. D’après cette loi, treize métropoles de plus de 400.000 habitants seront constituées et dix grandes villes bénéficieront de ce statut : Lille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Rouen, Strasbourg, Grenoble, Rennes, Toulon et Montpellier. Quant à Marseille, Lyon et Paris, elles auront un traitement particulier. Pour toutes, leurs compétences seront élargies : enseignement supérieur, énergie, transports, politique d’insertion, logement, bref elles vont grappiller aux régions et aux départements certaines de leurs prérogatives. On entend déjà des présidents de régions et de conseils généraux grincer des dents et s’agiter dans leurs fauteuils.

Il n’y aura pas d’économie, mais une dépense publique en plus pour les contribuables

L’agitation est d’autant plus nerveuse que c’est une belle usine à gaz que l’Etat s’apprête à mettre en place. En effet, nous risquons d’avoir des doublons de fait. Le département a en charge tout le volet social, notamment le paiement des minima sociaux. D’ici 2017, les métropoles auront cette compétence. On comprend bien que ce sera pour les habitants de la métropole seulement, le reste des communes hors métropole étant toujours sous la compétence sociale du département. Problème : il faudra créer un service social dans la métropole qui sera un doublon du service départemental. Il n’y aura pas d’économie, mais une dépense publique en plus pour les contribuables qui devront supporter les frais de fonctionnement de l’administration sociale du département et de l’administration sociale de la métropole. Résultat : pas d’économie, que des dépenses et un doublon administratif qui ne sera pas simple à gérer.

Pour éviter cela, la loi prévoit la création de conférences territoriales de l’action publique dans chaque région. Ces conférences seront chargées justement d’éviter les doublons et de répartir les compétences entre les régions, les départements, les métropoles et les communes.  Cela augure de négociations qui seront tout sauf simples.

La loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires

« Le projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires confère aux régions le rôle de chef de file du développement économique et des aides aux entreprises. Il fait également des régions des acteurs majeurs de la politique menée en faveur de l’emploi et de la jeunesse en les rendant pleinement compétentes en matière de formation professionnelle et d’apprentissage et en leur conférant un rôle de coordination et d’animation du service public de l’orientation », indique le Gouvernement, qui ajoute à propos des départements qu’ils seront « les chefs de file de la solidarité territoriale en leur confiant le soin d’élaborer, avec l’Etat, un schéma d’amélioration de l’accessibilité des services au public sur le territoire du département. »

Cette loi composée de 35 articles devrait régler les rapports entre les départements et les régions. Du moins chacun l’espère. Mais surtout, cette loi devrait confier aux régions la distribution de 20 milliards d’euros de fonds européens. Une manne qui aiguisera sûrement les appétits, mais certainement pas les économies.

La loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale

« La loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale institue le Haut Conseil des territoires, lieu du dialogue permanent entre les représentants des collectivités territoriales et l’Etat. Il renforce les compétences de chacune des catégories d’établissements publics de coopération intercommunale, élargit les conditions d’exercice du droit de pétition locale et renforce la transparence de l’action locale. » Dixit le Gouvernement.

En terme plus direct, cette loi est une véritable patate chaude. Non pas parce que c’est un fourre-tout, mais parce que les intercommunalités devraient être renforcées au détriment des communes. Le gouvernement entend déjà la bronca des 36.000 maires ruraux et a pris soin de repousser ce projet de loi à la fin de l’année, voire même après les élections municipales de mars 2014.

L’existant est déjà si compliqué que toute innovation paraît suspecte. Du coup les bonnes idées finissent au cimetière des votes.

Autre volet de cette loi qui provoque déjà des remous : la création d’un Haut Conseil des territoires. Outre le fait qu’on ne voit pas très bien quelle pourrait être sa valeur-ajoutée puisqu’il y a déjà des conférences régionales de l’action publique, il est déjà pris en grippe par nombre de sénateurs qui le considèrent comme une assemblée rivale. Ça promet de l’ambiance lors des débats.

Ajoutons à ces trois projets de lois un contexte tendu après l’échec de la fusion des deux départements alsaciens rejetée par référendum le 7 avril 2013. Il est certain que nos concitoyens ne sont prêts à rien en matière de collectivités territoriales et n’y entendent pas grand-chose. L’existant est déjà si compliqué que toute innovation paraît suspecte. Du coup les bonnes idées finissent au cimetière des votes.

Gérer l’ingérable

Les difficultés de gestion transparaissent dans la difficulté à rédiger la loi elle-même. Jean-Pierre Bel, président du Sénat et membre du parti socialiste, le reconnaît : « La copie a besoin d’être clarifiée, simplifiée. Il faut dire dans le texte où l’on veut aller et pourquoi on fait cette réforme. » De là à dire que François Hollande et son gouvernement s’apprêtent à présenter un brouillon comme projet de loi devant les deux assemblées, il n’y a pas loin. Devant de telles déclarations, il vaudrait mieux que le Président de la République François Hollande retire ces textes et les retravaillent au lieu de vouloir faire passer pour des projets de loi ce qui s’apparente à des esquisses de documents de travail.

Le 28 mars 2013, François Hollande nous parlait de « choc de simplification ». Une fois de plus nous voyons que c’est un mensonge : au lieu de simplifier l’organisation administrative de la France et des collectivités territoriales, d’en rationaliser le fonctionnement, d’en abroger les doublons voire les triplons qui chacun coûte une fortune aux contribuables que nous sommes, François Hollande se prépare à nous imposer un « choc de complexification ». Encore cela que les contribuables risquent de payer cher.

Clément Droynat

Avec Contribuables Associés, luttez pour la réduction des dépenses publiques, car trop de dépenses publiques c'est trop d'impôts, et contre les gaspillages scandaleux d'argent public !

Publié le vendredi, 12 avril 2013

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